Discussion:
lyrisme (le romantisme, je vous le laisse)...
(trop ancien pour répondre)
vieux-chien
2007-10-26 19:47:42 UTC
Permalink
La poésie lyrique, notes.
(considérons que le romantisme est lyrique; non que le lyrisme soit
nécessairement romantique)


..\typo\genres et formes littéraires\GENRES- Cours A-Compagnon.doc

Valéry : « « le lyrisme est le développement d'une exclamation »
M. Broda : « le vrai problème du lyrisme, c'est l'invocation
tutoyante. » (Donc, une mise en jeu, pas tant du"je" que du"tu"...)

QUEL LYRISME ?

1) un genre poétique
2) une « tonalité », une forme-sens...qui « chante », c'est à dire qui
suscite une vive émotion ; variantes : le pathétique qui exprime une
émotion intense et extravertie ET l'élégiaque (ou lyrisme en mineur)
pour l'émotion du deuil et de la mélancolie.
3) la poésie elle-même.

De 1 vers 3, probablement parce que le « genre » lyrique a fini par
l'emporter et s'identifier à la poésie même.

D. Combe (les genres littéraires, Hachette 92)
« au lieu d'être marginalisé, comme dans la Poétique d'Aristote, ou
assimilé aux « petits genres », comme dans les poétiques classiques,
le mode lyrique était devenu progressivement depuis le romantisme le
mode dominant, l'aune de la littérature. De ce privilège dû au
développement du lyrisme et de la subjectivité dans la littérature
romantique découle sa valorisation dans le discours critique et dans
les traités ultérieurs. »

Epopée, temps du IL

Jakobson, questions de poétique, seuil, p130 : « La première personne
du présent est à la fois le point de départ et le thème conducteur de
la poésie lyrique, alors que ce rôle est tenu dans l'épopée par la
troisième personne d'un temps du passé. »


Définition du lyrisme

Le petit Robert propose la définition suivante
1. Antiq. Destiné à être chanté avec accompagnement de musique (lyre,
flûte ... ) et souvent de danse.
2. Hist. litt. (XVIe XVIlle) : propre aux genres issus de la poésie
grecque, tels que l'ode (opposé à épique et dramatique).
3. Mod. (1775) : se dit de la poésie qui exprime les sentiments
intimes au moyen de rythmes et d'images propres à communiquer au
lecteur l'émotion du poète, et de ce qui appartient à ce genre de
poésie.
Littré
1° Chez les anciens, poésie lyrique, poésie qui se chantait sur la
lyre. Les vers lyriques étaient ceux qu'on chantait ou qu'on était
supposé chanter ; ceux, par exemple, des odes et des dithyrambes. Les
Grecs eux-mêmes ont reconnu que la plus ancienne et la meilleure
espèce de poésie était la lyrique, c'est-à-dire les hymnes et les
odes, pour louer la divinité, FLEURY, Moeurs des Israél. titre XV, 2e
part. p. 189, dans POUGENS.
Poëtes lyriques, et, substantivement, les lyriques, ceux qui
composaient dans ce genre de poésie. Pindare, Horace sont des
lyriques.
2° Aujourd'hui, il se dit des vers qui entrent dans les odes et les
dithyrambes. Les poëmes lyriques de Malherbe, de Rousseau.
Appliqué aux pièces de théâtre, lyrique signifie propre à être
chanté, à être mis en musique. Tragédie lyrique, opéra sérieux ;
comédie lyrique, opéra du genre gai. Célèbre par ses belles poésies
lyriques et par la douceur qu'il [Quinault] opposa aux satires très
injustes de Boileau, VOLT. Louis XIV, Écriv.
Théâtre lyrique, théâtre sur lequel on représente des ouvrages mis
en musique. Les théâtres lyriques sont à Paris les Italiens, l'Opéra,
l'Opéra-Comique et le Théâtre lyrique.
3° Particulièrement. Lyrique se dit de pièces disposées par stances
qui, sans être destinées à être chantées, ont un mouvement et un
transport plus vif que le reste de la poésie.
Montés au même char, comme un couple homérique, Nous tiendrons, pour
lutter dans l'arène lyrique, Toi la lance, moi les coursiers, V. HUGO,
Odes, à Lamartine.

Le mythe d'Orphée

A l'intersection de la poésie et du lyrisme, ce mythe fondateur est
l'un des plus obscurs et chargés de symbolisme de la mythologie.
Orphée, fils du roi de Thrace et de la muse Calliope (la première et
la plus importante des 9 muses), vivait donc à proximité de l'Olympe
où il allait souvent chanter. Maître des incantations, il représente
le chanteur par excellence, terme qui recouvre aujourd'hui la sphère
du musicien et celle du poète, un enchanteur au sens premier du terme.
Ne dit on pas que le musicien (on le représente toujours avec lyre,
luth ou cithare) apaisait les éléments déchaînés, charmait les
plantes, les animaux, les hommes, les dieux ?
Il fut, pour ces raisons mêmes, sollicité par les Argonautes. Capable
de séduire les arbres, c'est lui qui fournit le bois de construction
du navire Argo. Il lui arriva maintes péripéties au cours de
l'expédition bien connue, sur lesquelles nous ne nous attarderons pas,
puisque c'est le récit de son hymen avec Eurydice qui alimente le
mythe. Sa jeune épouse, en effet, fuyant les avances d'un berger,
marcha sur un serpent dont la piqûre la tua. Orphée sut exprimer son
incommensurable douleur de manière assez persuasive pour obtenir des
dieux des Enfers la permission d'aller rechercher Eurydice... à
condition de ne pas se retourner avant de l'avoir ramenée au monde des
vivants. Tous les obstacles semblaient vaincus : il avait su
neutraliser avec sa lyre Cerbère et les Furies... mais au moment de
franchir les portes des Enfers, il tourna fugitivement la tête pour
vérifier qu'Eurydice le suivait toujours... c'est ainsi qu'il la
perdit à tout jamais.
Il convient maintenant de réfléchir plus précisément aux
interprétations de ce mythe.
Le nom d'Orphée proviendrait soit du sanscrit ribhus (= poète), soit
de l'adjectif grec orphnos (= obscur). La convergence de ces deux
étymologies nous ramène déjà au pouvoir magique et occulte des mots...
L'histoire malheureuse d'Orphée et Eurydice, quant à elle, souligne le
scandale de la séparation, les ténèbres de l'absence, la rencontre
morbide de l'amour et de la mort. La quête d'Orphée représente la
poursuite d'un idéal. Orphée, personnage faillible, est par là même
proche de nous: Quoique incontestablement pugnace, il s'avère en fin
de compte incapable de détruire le mal.
Que faut il enfin penser de cette interdiction de regarder en
arrière ? "Les divinités ne veulent pas être vues", dit on. Le regard
en arrière est sacrilège et Orphée, l'homme qui a violé l'interdit et
osé regarder l'invisible, sera puni de cette audace blasphématoire.
Le dernier segment du mythe, celui dont G. Moreau se fait le
rapporteur, nous dit enfin que l'art est plus fort que la mort, que
c'est le seul moyen de la transcender...

Les priorités de la poésie lyrique
Elle exprime la sensibilité du poète, qui s'efforce de mettre en mots
ses émotions, sentiments personnels, mouvements de l'âme. Elle accorde
la prépondérance à l'analyse du MOI, à l'introspection et à
l'expression. La gageure consiste à traduire l'inexprimable dans
l'ordre du langage, et c'est dans cette confrontation entre
l'indicible et les mots que s'établit la poésie lyrique. (cf.
définition de Littré et citation de Hugo : Lamartine et lui-même !)
Poésie lyrique et musique
Initialement, il s'agissait de formes chantées ou déclamées avec
accompagnement d'instruments. Puis la poésie lyrique s'est émancipée
de la musique, mais continua à en convoiter les vertus. C'est pourquoi
elle chercha à retrouver, au sein même de la langue, les qualités de
rythme et d'harmonie jadis dispensées par la musique.
Octavio Paz en témoigne, dans L'Arc et la lyre (Gallimard, 1965)
« Il y a un rythme au fond de tout phénomène verbal. Les mots
s'assemblent et se séparent suivant certains principes rythmiques
( ... ) Le poète crée par analogie, son modèle est le rythme qui est
au fond de toute langue. Le rythme est un aimant. »

Les multiples formes de la poésie lyrique
La forme initiale est l'ode, du grec : chant. Mais elle pris aussi la
forme plus simple de la chanson, ou la forme plus intériorisée de
l'élégie.
Elle se régénéra au XIXe dans le poème en prose, forme plus libre,
plus naturelle et plus intime, qui entretient un certain nombre de
liens avec l'autobiographie. Jean Michel Maulpoix, dans La Voix
d'Orphée, définit le lyrisme comme une "promotion ardente du sujet" :
l'importance du JE, déjà évoquée, induit le plus souvent une écriture
à la première personne.

Les caractéristiques formelles de la poésie lyrique
Elle tend toujours vers un idéal formel, une "aspiration humaine vers
une beauté supérieure", selon Baudelaire. Et c'est dans l'écart entre
son aspiration et la réalité vécue comme manque ou comme
insatisfaction que s'élève le chant lyrique, une "parole exilée".
Le poète lyrique s'affronte au langage et en fait l'expérience extrême
"Le poète est cet homme qui se remet sans cesse au monde par le
langage et qui, tout aussi bien, met le langage au monde et renouvelle
le monde dans le langage. " (J M Maulpoix, La Voix d'Orphée)
La poésie lyrique accorde la plus haute importance au rythme, aux
répétitions et à tout ce qui participe à la création d'un effet
incantatoire. Ce chant prend aussi la forme d'un cri, provient d'une
exclamation ou tend vers elle. Selon Valéry, "le lyrisme est le
développement d'une exclamation". D'où la récurrence, comme marques de
la force des sentiments, des interjections, apostrophes et
exclamations.

Les thèmes de la poésie lyrique
Ils sont peut nombreux, mais très nuancés. C'est l'amour, la nature,
la mort, le déchirement de l'être , "Le lyrisme est de nature plus
spirituelle que sentimentale. Il ne saurait consister en une simple
"effusion" de sentiments personnels. Certes, ceux ci sont la plupart
du temps le prétexte de cette expansion, mais ils importent moins que
le mouvement escaladant auquel ils donnent lieu, qui les sacralise, et
qui fait en quelque manière de l'intime un modèle de l'infini . " (J.
M Maulpoix, La Voix d'Orphée).
Le sujet lyrique se dit et s'analyse à la fois, s'efforce de porter
"la voix du moi au ton le plus pur, sinon le plus haut" (Paul Valéry,
Variété).

Baudelaire et le lyrisme
( critique littéraire, Théodore de Banville, Bouquins, p 529...)
« Il y a, en effet, une manière lyrique de sentir. (...) Tout l'être
intérieur en ces merveilleux instants, s'élance en l'air par trop de
légèreté et de dilatation, comme pour atteindre une région plus haute.
Il existe donc nécessairement une manière lyrique de parler, et un
monde lyrique, une atmosphère lyrique, des paysages, des hommes, des
femmes, des animaux qui tous participent du caractère affectionné par
la Lyre.
Tout d'abord constatons que l'hyperbole et l'apostrophe sont des
formes de langage qui lui sont non seulement des plus agréables, mais
aussi des plus nécessaires, puisque ces formes dérivent naturellement
d'un état exagéré de la vitalité.(...)
La Lyre fuit volontiers tous les détails dont le roman se régale.
L'âme lyrique fait des enjambées vastes comme des synthèses ; l'esprit
du romancier se délecte dans l'analyse. C'est cette considération qui
sert à nous expliquer quelle commodité et quelle beauté le poète
trouve dans les mythologies et dans les allégories. La mythologie est
un dictionnaire d'hiéroglyphes vivants, hiéroglyphes connus de tout le
monde. Ici, le paysage est revêtu, comme les figures, d'une magie
hyperbolique : il devient décor. »
Banville refuse d'étudier « le genre humain dans ses basses-cours »,
de se »pencher sur ces marécages de sang, sur ces abîmes de boue »... «
Il a l'audace de chanter la bonté des dieux et d'être un parfait
classique ».
Bibliographie
Dictionnaire des mythes littéraires, sous le direction du Professeur
Brunel édition du Rocher
Une oeuvre de référence: Jean Michel Maulpoix, La Voix d'Orphée,
Corti, 1989...
Amibrett
2007-10-27 07:23:05 UTC
Permalink
"vieux-chien" <vieux-***@hotmail.fr> a �crit dans le message de news:***@d55g2000hsg.googlegroups.com...
La poésie lyrique, notes.
(considérons que le romantisme est lyrique; non que le lyrisme soit
nécessairement romantique)


..\typo\genres et formes littéraires\GENRES- Cours A-Compagnon.doc

Valéry : « « le lyrisme est le développement d'une exclamation »
M. Broda : « le vrai problème du lyrisme, c'est l'invocation
tutoyante. » (Donc, une mise en jeu, pas tant du"je" que du"tu"...)

QUEL LYRISME ?

1) un genre poétique
2) une « tonalité », une forme-sens...qui « chante », c'est à dire qui
suscite une vive émotion ; variantes : le pathétique qui exprime une
émotion intense et extravertie ET l'élégiaque (ou lyrisme en mineur)
pour l'émotion du deuil et de la mélancolie.
3) la poésie elle-même.

De 1 vers 3, probablement parce que le « genre » lyrique a fini par
l'emporter et s'identifier à la poésie même.

D. Combe (les genres littéraires, Hachette 92)
« au lieu d'être marginalisé, comme dans la Poétique d'Aristote, ou
assimilé aux « petits genres », comme dans les poétiques classiques,
le mode lyrique était devenu progressivement depuis le romantisme le
mode dominant, l'aune de la littérature. De ce privilège dû au
développement du lyrisme et de la subjectivité dans la littérature
romantique découle sa valorisation dans le discours critique et dans
les traités ultérieurs. »

Epopée, temps du IL

Jakobson, questions de poétique, seuil, p130 : « La première personne
du présent est à la fois le point de départ et le thème conducteur de
la poésie lyrique, alors que ce rôle est tenu dans l'épopée par la
troisième personne d'un temps du passé. »


Définition du lyrisme

Le petit Robert propose la définition suivante
1. Antiq. Destiné à être chanté avec accompagnement de musique (lyre,
flûte ... ) et souvent de danse.
2. Hist. litt. (XVIe XVIlle) : propre aux genres issus de la poésie
grecque, tels que l'ode (opposé à épique et dramatique).
3. Mod. (1775) : se dit de la poésie qui exprime les sentiments
intimes au moyen de rythmes et d'images propres à communiquer au
lecteur l'émotion du poète, et de ce qui appartient à ce genre de
poésie.
Littré
1° Chez les anciens, poésie lyrique, poésie qui se chantait sur la
lyre. Les vers lyriques étaient ceux qu'on chantait ou qu'on était
supposé chanter ; ceux, par exemple, des odes et des dithyrambes. Les
Grecs eux-mêmes ont reconnu que la plus ancienne et la meilleure
espèce de poésie était la lyrique, c'est-à-dire les hymnes et les
odes, pour louer la divinité, FLEURY, Moeurs des Israél. titre XV, 2e
part. p. 189, dans POUGENS.
Poëtes lyriques, et, substantivement, les lyriques, ceux qui
composaient dans ce genre de poésie. Pindare, Horace sont des
lyriques.
2° Aujourd'hui, il se dit des vers qui entrent dans les odes et les
dithyrambes. Les poëmes lyriques de Malherbe, de Rousseau.
Appliqué aux pièces de théâtre, lyrique signifie propre à être
chanté, à être mis en musique. Tragédie lyrique, opéra sérieux ;
comédie lyrique, opéra du genre gai. Célèbre par ses belles poésies
lyriques et par la douceur qu'il [Quinault] opposa aux satires très
injustes de Boileau, VOLT. Louis XIV, Écriv.
Théâtre lyrique, théâtre sur lequel on représente des ouvrages mis
en musique. Les théâtres lyriques sont à Paris les Italiens, l'Opéra,
l'Opéra-Comique et le Théâtre lyrique.
3° Particulièrement. Lyrique se dit de pièces disposées par stances
qui, sans être destinées à être chantées, ont un mouvement et un
transport plus vif que le reste de la poésie.
Montés au même char, comme un couple homérique, Nous tiendrons, pour
lutter dans l'arène lyrique, Toi la lance, moi les coursiers, V. HUGO,
Odes, à Lamartine.

Le mythe d'Orphée

A l'intersection de la poésie et du lyrisme, ce mythe fondateur est
l'un des plus obscurs et chargés de symbolisme de la mythologie.
Orphée, fils du roi de Thrace et de la muse Calliope (la première et
la plus importante des 9 muses), vivait donc à proximité de l'Olympe
où il allait souvent chanter. Maître des incantations, il représente
le chanteur par excellence, terme qui recouvre aujourd'hui la sphère
du musicien et celle du poète, un enchanteur au sens premier du terme.
Ne dit on pas que le musicien (on le représente toujours avec lyre,
luth ou cithare) apaisait les éléments déchaînés, charmait les
plantes, les animaux, les hommes, les dieux ?
Il fut, pour ces raisons mêmes, sollicité par les Argonautes. Capable
de séduire les arbres, c'est lui qui fournit le bois de construction
du navire Argo. Il lui arriva maintes péripéties au cours de
l'expédition bien connue, sur lesquelles nous ne nous attarderons pas,
puisque c'est le récit de son hymen avec Eurydice qui alimente le
mythe. Sa jeune épouse, en effet, fuyant les avances d'un berger,
marcha sur un serpent dont la piqûre la tua. Orphée sut exprimer son
incommensurable douleur de manière assez persuasive pour obtenir des
dieux des Enfers la permission d'aller rechercher Eurydice... à
condition de ne pas se retourner avant de l'avoir ramenée au monde des
vivants. Tous les obstacles semblaient vaincus : il avait su
neutraliser avec sa lyre Cerbère et les Furies... mais au moment de
franchir les portes des Enfers, il tourna fugitivement la tête pour
vérifier qu'Eurydice le suivait toujours... c'est ainsi qu'il la
perdit à tout jamais.
Il convient maintenant de réfléchir plus précisément aux
interprétations de ce mythe.
Le nom d'Orphée proviendrait soit du sanscrit ribhus (= poète), soit
de l'adjectif grec orphnos (= obscur). La convergence de ces deux
étymologies nous ramène déjà au pouvoir magique et occulte des mots...
L'histoire malheureuse d'Orphée et Eurydice, quant à elle, souligne le
scandale de la séparation, les ténèbres de l'absence, la rencontre
morbide de l'amour et de la mort. La quête d'Orphée représente la
poursuite d'un idéal. Orphée, personnage faillible, est par là même
proche de nous: Quoique incontestablement pugnace, il s'avère en fin
de compte incapable de détruire le mal.
Que faut il enfin penser de cette interdiction de regarder en
arrière ? "Les divinités ne veulent pas être vues", dit on. Le regard
en arrière est sacrilège et Orphée, l'homme qui a violé l'interdit et
osé regarder l'invisible, sera puni de cette audace blasphématoire.
Le dernier segment du mythe, celui dont G. Moreau se fait le
rapporteur, nous dit enfin que l'art est plus fort que la mort, que
c'est le seul moyen de la transcender...

Les priorités de la poésie lyrique
Elle exprime la sensibilité du poète, qui s'efforce de mettre en mots
ses émotions, sentiments personnels, mouvements de l'âme. Elle accorde
la prépondérance à l'analyse du MOI, à l'introspection et à
l'expression. La gageure consiste à traduire l'inexprimable dans
l'ordre du langage, et c'est dans cette confrontation entre
l'indicible et les mots que s'établit la poésie lyrique. (cf.
définition de Littré et citation de Hugo : Lamartine et lui-même !)
Poésie lyrique et musique
Initialement, il s'agissait de formes chantées ou déclamées avec
accompagnement d'instruments. Puis la poésie lyrique s'est émancipée
de la musique, mais continua à en convoiter les vertus. C'est pourquoi
elle chercha à retrouver, au sein même de la langue, les qualités de
rythme et d'harmonie jadis dispensées par la musique.
Octavio Paz en témoigne, dans L'Arc et la lyre (Gallimard, 1965)
« Il y a un rythme au fond de tout phénomène verbal. Les mots
s'assemblent et se séparent suivant certains principes rythmiques
( ... ) Le poète crée par analogie, son modèle est le rythme qui est
au fond de toute langue. Le rythme est un aimant. »

Les multiples formes de la poésie lyrique
La forme initiale est l'ode, du grec : chant. Mais elle pris aussi la
forme plus simple de la chanson, ou la forme plus intériorisée de
l'élégie.
Elle se régénéra au XIXe dans le poème en prose, forme plus libre,
plus naturelle et plus intime, qui entretient un certain nombre de
liens avec l'autobiographie. Jean Michel Maulpoix, dans La Voix
d'Orphée, définit le lyrisme comme une "promotion ardente du sujet" :
l'importance du JE, déjà évoquée, induit le plus souvent une écriture
à la première personne.

Les caractéristiques formelles de la poésie lyrique
Elle tend toujours vers un idéal formel, une "aspiration humaine vers
une beauté supérieure", selon Baudelaire. Et c'est dans l'écart entre
son aspiration et la réalité vécue comme manque ou comme
insatisfaction que s'élève le chant lyrique, une "parole exilée".
Le poète lyrique s'affronte au langage et en fait l'expérience extrême
"Le poète est cet homme qui se remet sans cesse au monde par le
langage et qui, tout aussi bien, met le langage au monde et renouvelle
le monde dans le langage. " (J M Maulpoix, La Voix d'Orphée)
La poésie lyrique accorde la plus haute importance au rythme, aux
répétitions et à tout ce qui participe à la création d'un effet
incantatoire. Ce chant prend aussi la forme d'un cri, provient d'une
exclamation ou tend vers elle. Selon Valéry, "le lyrisme est le
développement d'une exclamation". D'où la récurrence, comme marques de
la force des sentiments, des interjections, apostrophes et
exclamations.

Les thèmes de la poésie lyrique
Ils sont peut nombreux, mais très nuancés. C'est l'amour, la nature,
la mort, le déchirement de l'être , "Le lyrisme est de nature plus
spirituelle que sentimentale. Il ne saurait consister en une simple
"effusion" de sentiments personnels. Certes, ceux ci sont la plupart
du temps le prétexte de cette expansion, mais ils importent moins que
le mouvement escaladant auquel ils donnent lieu, qui les sacralise, et
qui fait en quelque manière de l'intime un modèle de l'infini . " (J.
M Maulpoix, La Voix d'Orphée).
Le sujet lyrique se dit et s'analyse à la fois, s'efforce de porter
"la voix du moi au ton le plus pur, sinon le plus haut" (Paul Valéry,
Variété).

Baudelaire et le lyrisme
( critique littéraire, Théodore de Banville, Bouquins, p 529...)
« Il y a, en effet, une manière lyrique de sentir. (...) Tout l'être
intérieur en ces merveilleux instants, s'élance en l'air par trop de
légèreté et de dilatation, comme pour atteindre une région plus haute.
Il existe donc nécessairement une manière lyrique de parler, et un
monde lyrique, une atmosphère lyrique, des paysages, des hommes, des
femmes, des animaux qui tous participent du caractère affectionné par
la Lyre.
Tout d'abord constatons que l'hyperbole et l'apostrophe sont des
formes de langage qui lui sont non seulement des plus agréables, mais
aussi des plus nécessaires, puisque ces formes dérivent naturellement
d'un état exagéré de la vitalité.(...)
La Lyre fuit volontiers tous les détails dont le roman se régale.
L'âme lyrique fait des enjambées vastes comme des synthèses ; l'esprit
du romancier se délecte dans l'analyse. C'est cette considération qui
sert à nous expliquer quelle commodité et quelle beauté le poète
trouve dans les mythologies et dans les allégories. La mythologie est
un dictionnaire d'hiéroglyphes vivants, hiéroglyphes connus de tout le
monde. Ici, le paysage est revêtu, comme les figures, d'une magie
hyperbolique : il devient décor. »
Banville refuse d'étudier « le genre humain dans ses basses-cours »,
de se »pencher sur ces marécages de sang, sur ces abîmes de boue »... «
Il a l'audace de chanter la bonté des dieux et d'être un parfait
classique ».
Bibliographie
Dictionnaire des mythes littéraires, sous le direction du Professeur
Brunel édition du Rocher
Une oeuvre de référence: Jean Michel Maulpoix, La Voix d'Orphée,
Corti, 1989...

Merci pour ces notes qui retracent avec clarté l'histoire du lyrisme et les
différents sens qu'on peut donner à ce mot.Cela rejoint exactement cet
excellent article http://www.maulpoix.net/lelyrisme.htm de J M Maulpoix,
auteur que vous citez d'ailleurs à plusieurs reprises.
Je m'interroge quand même sur la place du romantisme dans tout ça. Ne nous
apparaitrait-il plus que comme une simple dérive du lyrisme une de ses
désignations devenue péjorative à cause d'un excès d'emphase et de
pathétique?

Pour en revenir au mythe d'Orphée et à cette interdiction qui lui est faite
de se retourner, je ne peux pas m'empêcher de mettre en parallèle cette
autre interdiction transgressée par la femme de Loth transformée en statue
de sel pour s'être retournée elle aussi...Connaissez-vous d'autres exemples
dans la littérature d'interdits similaires? Et ce Janus auquel vous faisiez
allusion récemment avec ce don qu'il a de voir tout à la fois l'avenir et le
passé, est-ce parce qu'il est un dieu qu'il peut s'autoriser cette audace?

Amibrett

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